Roswell contre Ummo : la guerre des ovnis

par | 4 janvier 2013 | Divers

Ce texte a été communiqué lors du colloque des Invalides 2009

La question des objets volants non identifiés demeure évidemment à cette heure très ouverte.
J’aimerais simplement ouvrir quelques pistes inédites, en interrogeant deux affaires souvent mal comprises: le crash d’un vaisseau extraterrestre en 1947 à Roswell, et la mystérieuse planète Ummo, qui semble avoir contacté depuis les années soixante un certain nombre d’intellectuels et de scientifiques terriens.

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William Brazel, dit « Mac », est propriétaire d’un ranch au Nouveau Mexique. Le mercredi 2 juillet 1947, au cœur d’une nuit orageuse, il se voit réveillé par un bruit assourdissant. La Troisième Guerre mondiale, dont les journaux matraquent l’éventualité, vient-elle de démarrer subrepticement ? Doit-on s’attendre à une décisive conflagration nucléaire et l’explosion nocturne n’est-elle qu’un signe avant-coureur de l’instant final ? Il se rendort…
Le lendemain matin, en promenant ses chèvres, il observe des débris industriels, éparpillés sur une grande zone. Il en ramasse plusieurs à des fins d’analyse.
Le dimanche 6 juillet, il avertit enfin le shérif du comté de Chaves. Les débris présentant l’aspect de prototypes aéronautiques, le shérif George Wilcox appelle immédiatement la base militaire de Roswell.
Le lundi 7 juillet, le major Jesse Marcel et le capitaine Sheridan Cavitt inspectent longuement l’aire dévastée.

C’est le début d’un inquiétant branle-bas.

Le mardi 8 juillet, le colonel Blanchard ordonne de boucler le périmètre. Les débris sont soigneusement collectés.
Une rumeur court d’emblée la campagne du Nouveau-Mexique. Elle se propage aux médias locaux, et se voit répercutée par divers bulletins « ufologiques », pratiquant l’étude et l’observation d’Objet volants non identifiés (OVNI, c’est-à-dire UFO en anglais) : un deuxième site aurait été découvert par des « archéologues », qui auraient observé l’épave d’un vaisseau contenant quatre corps humanoïdes. Ce site aurait été rapidement « sécurisé » par les forces militaires.

Ce même 8 juillet, l’armée publie un communiqué officiel, annonçant qu’elle serait en possession de débris d’origine extraterrestre. Cette déclaration émane de William Blanchard, le commandant de la base de Roswell.
Mais quelques heures plus tard, un second communiqué, émanant du brigadier-général Roger Ramey, contredit le premier.
Blanchard s’est trompé. Les débris ne proviennent pas d’un engin extra-terrestre, mais d’un ballon météorologique couplé à un réflecteur radar.

Mardi 8 juillet 1947. L’affaire Roswell tombe dans l’oubli.

Elle ne rebondit qu’en 1980, lorsque le spécialiste du paranormal Charles Berlitz et l’ufologue William L. Moore s’unissent pour publier The Roswell Incident((Charles Berlitz et William Moore, The Roswell Incident, New Evidence in the Search for a Crashed UFO, G.P. Putnam’s Sons, 1980.)).

Au terme d’une minutieuse contre-enquête, les auteurs parviennent à une conclusion remarquable : la thèse du ballon météo n’est qu’un écran de fumée. Les extra-terrestres ont bel et bien visité le Nouveau-Mexique en 1947.
Le livre suscite une belle effervescence et sculpte la rumeur. Sont-ils arrivés ? Manipulent-ils discrètement le gouvernement des États-Unis ? Le Président est-il « humain » ? L’ufologie rencontre le conspirationnisme. Les deux sous-cultures chemineront désormais main dans la main.

En 1994, sur requête du Congrès, le colonel Richard Weaver rend un rapport « définitif » : les débris proviennent d’un projet « top secret » dénommé Mogul.
Élaboré durant la guerre froide, il devait servir au repérage des missiles soviétiques. Le système était constitué de ballons équipés de réflecteurs radars et de détecteurs acoustiques.

À ce point, l’affaire semble close. Pourquoi le dossier n’est-il pas refermé ?

En mai 1995, le producteur Ray Santilli affirme détenir un film rarissime, relatant l’incident de Roswell. Il s’agit d’un document filmé en noir-blanc d’une main malhabile. On y voit en temps réel l’autopsie d’un extra-terrestre, ressemblant trait pour trait aux petits hommes gris du film Close Encounters of the third kind (Rencontres du troisième type), réalisé par Steven Spielberg en 1977.

Le clip tremblotant de Ray Santilli connaît une carrière foudroyante. En 1996, il est notamment commercialisé en France par TF1, sous forme de cassettes vidéo diffusées en grandes surfaces, tandis que Jacques Pradel le divulgue en « prime time ». L’affaire déclenche un énorme scandale, la presse flairant une supercherie .
Il est important de noter que la créature présentée sur TF1 possède six doigts à chaque main et six orteils à chaque pied. L’être exhibé n’a en outre ni mamelons, ni organes sexuels apparents, ni nombril. Ceci pourrait correspondre à une espèce reptilienne.

Quoiqu’il en soit, le « canular » de Ray Santilli sonne le glas de l’affaire Roswell, qui a nourri l’imaginaire collectif durant près de cinquante ans.

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Quoi de commun, en apparence, entre la médiatique affaire Roswell, et le très souterrain dossier de la planète Ummo ?

Les Ummites affirment être arrivés sur terre en mars 1950, dans la région de Digne, à la suite de la réception « accidentelle » d’un message en morse envoyé par un navire norvégien en 1934.

Alors même que la presse américaine questionne la réalité du crash de Roswell, trois vaisseaux se posent discrètement sur la Crête de la Blache, entre Digne et la Javie. Il s’agit d’un corps expéditionnaire, qui établit en pleine nature une première base.

Les Ummites ne souhaitent apparemment pas nous conquérir, mais nous étudier. Pendant quelques années, ils analysent nos coutumes. Ils nous ressemblent trait pour trait, ce qui facilite l’intégration. Ils se promènent dans Paris. Se livrent-ils à une mission de renseignement ?

En 1966, Fernando Sesma, animateur d’une association espagnole « ésotérique », Les Amis de l’espace, qui se réunit dans un bar de Madrid, La Baleine Joyeuse, et qui se dit depuis longtemps en contact télépathique avec diverses espèces extraterrestres, reçoit une, puis deux, puis des dizaines de lettres émanant du corps expéditionnaire ummite.

C’est le début d’une longue et surprenante campagne de mailing.

Le groupe Ummo-Sciences, qui répercute sur Terre la pensée ummite, affirme disposer à ce jour de plus de cent-quatre vingt lettres, représentant mille trois cent pages de textes écrits par les Ummites, mais il est possible que de nombreuses autres lettres existent, puisqu’il est fait mention, dans une lettre de 1988, de trois mille huit cent cinquante pages originales, envoyées à de nombreux destinataires.

Le site www.ummo-sciences.org constitue un utile centre d’archives, puisqu’on peut y consulter la plupart des missives expédiés par les visiteurs d’un autre monde.

Les lettres sont principalement adressées à des chercheurs et à des scientifiques, parfois renommés…
Les Ummites y admirent la diversité de nos coutumes. Ils regrettent cependant que l’humanité manque de maturité. La barbarie capitaliste les surprend et les révulse. La planète Ummo fonctionne en effet selon un modèle social différent : on y pratique un totalitarisme éclairé.
Les correspondants exposent partiellement la technologie ummite. Ils décrivent des vaisseaux intergalactiques lenticulaires qui profitent de plis aléatoires de l’espace créés par un anti-univers pour court-circuiter les distances. Leur planète est monocontinentale, leur système de mesures duodécimal.
Les Ummites ignorent l’art et la paresse.

On ne peut pas dire que les lettres ummites égalent les Lettres persanes. Le style est ampoulé, redondant, professoral, lourd et dénué d’humour.

Certains s’interrogent. De même que l’affaire Roswell pourrait n’être qu’un canular, peut-on légitimement penser que des extra-terrestres s’adressent à la collectivité scientifique depuis les années soixante ? Pourquoi ont-ils originellement pris contact avec un client de La Baleine joyeuse ? Le choix était-il judicieux ?

Voici les arguments avancés par le collectif « Ummo Sciences », qui milite pour la reconnaissance du fait ummite.

Les Ummites auraient fait progressé la recherche humaine dans six directions :

1. la variation du  » red shift  » (décalage vers le rouge des ondes E.M. en fonction de la vitesse d’éloignement) n’est pas constante mais est une fonction périodique non sinusoïdale ;
2. découverte des quatre-vingt paires d’atome de krypton en extrémité des chaînes d’ADN chez tous les êtres vivants ;
3. fréquence des impulsion d’activation des centres nerveux situés dans le plexus choroïdien ventro-latéral de 10368 hz ;
4. découverte sur Mars de végétaux unicellulaires et pluricellulaires simples ;
5. l’eau contenue dans le cytoplasme et le noyau des cellules est capable de mémoriser les radiations électromagnétiques correspondant à une onde de 21,106 cm (environ 1421 MHz) ;
6. Etc.

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Tout ceci nous amène au cœur de l’énigme, dans le trou noir des rêves et des sous-entendus.

Deux livres ont récemment apporté l’éclairage qui manquait.

En 1993, Renaud Marhic observe avec perplexité dans L’Affaire Ummo, que les mystérieux extraterrestres militent dans leurs lettres pour un socialisme à visage ummite, le socialisme réel du bloc soviétique ne constituant, selon eux, qu’une version archaïque du socialisme mis en place sur Ummo((Renaud Marhic, L’Affaire Ummo, Les Extraterrestres qui venaient du froid, Les Classiques du mystère, 1993.)).

Certains de leurs courriers déconcertent : ils demandent à plusieurs de leurs correspondants en 1969 de « ne pas enregistrer les appels téléphoniques ummites ». Diantre ! Qui n’aurait pas aimé recevoir un appel de la planète Ummo ?

En 1970, les Ummites se plaignent d’être surveillés par… la CIA.

Il est vrai que, dans certaines lettres, ils prônent un désarmement nucléaire unilatéral à l’Ouest, afin d’empêcher une apocalypse.

Renaud Marhic observe enfin que les Ummites se taisent subitement en 1991, lorsque l’Union Soviétique se disloque.

Il faut attendre 2003 et 2004, pour voir débouler quelques rares billets.

Aura-t-on saisi l’essence du message ummite ?

L’affaire Roswell se révèle à son tour pleine d’imprévus.

Le livre Man Made Ufos (Ovnis faits par l’homme), de Renato Vesco et David Hatcher Childress explique en 1994 que l’ensemble ne serait qu’un montage de désinformation, visant à faire croire aux Russes que les Américains disposaient depuis 1947 de technologies extraterrestres((Renato Vesco et David Hatcher Childress, Man Made Ufos, 1944-1994, 50 Years of Suppression, Adventures Unlimited Press, 1994.)).

La battage médiatique ne s’adressait pas tant à l’opinion publique occidentale qu’aux hiérarques de l’Est.

Le message de Roswell est simple : l’Ouest possède un réservoir d’armes inconnues, bien plus puissantes que les simples bombes thermonucléaires. Qui s’y frotte s’y pique ?

Cette surenchère dans la propagande est bien connue.

A l’Ouest, les Petits Gris de Roswell, à l’Est les Ummites.

Les extraterrestres viennent décidément du froid.

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